Dosseh — La rue c’est rasoir

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Yeah
On s’fait un restau’ entre amis de longues dates
Ça fait un bail qu’on n’s’était pas revu
Plus d’20 piges de hebs autour de la table
Aucun pistonné, aucun parvenu
Tous nés dans la décennie 80
Poussés dans les plus bas tiers-quar d’province
45000, Orlins, c’est la ville
Chez nous on s’plaint pas on s’dit qu’c’est la vie
Eh, chacun son vécu propre
Ses secrets et ses problèmes spécifiques
Des fils issus de familles très nombreuses
Aux fils uniques de parents divorcés
Yeah, ça rigole au nez du proc’
De l’entreprise humaine c’est le déficit
La rue est traître et la vie est trompeuse
Fait mal au cul comme sodomie forcée
Bang, balle dans la cabeza
J’apprends qu’un ancien vient d’se der-suici
Il devait avoir ses raisons si il a fait ça
Chacun sa manière de gérer les soucis
Et toi, comment va ton p’tit frère?
Il a prit sept piges en étant primaire?
Pfouah, quartier disciplinaire?
Parfois la justice est sanguinaire
C’est jamais tout noir, c’est jamais tout blanc
C’est pas aussi simple, c’est rarement binaire
Y’a plein d’trucs pour en expliquer d’autres
Mais ce serait trop long on va pas s’la refaire
Et au fait, j’ai appris pour ton père
J’sais plus qui m’la dit j’crois que c’était avant-hier
J’t’envoie ma ce-for la plus sincère
Et que la terre lui soit légère, bien sûr
J’ai pas pu être là à salât janaza
J’étais en plein show à Geneva
Mais j’sais c’qu’on ressent quand plus rien ne va
Si y’a un biff à mettre et qu’on peut aider, dites-moi
C’est la miff, t’inquiète entre nous on n’parle pas chinois
Khey, félicite ta p’tite sœur, elle a pas lâché elle a eu ses diplômes
Et j’ai entendu qu’elle allait s’marier avec le raclo qui tient l’taxiphone
Ça s’voit dans ses yeux qu’il est hnine
Et que c’est un mec bien, pas de ces rats qui chôment
Prévenez le gang pour le cortège
Des Lambo’ tous noirs, des Ferrari jaunes
C’est comme ça chez les jeunes de cités
Complexe du pauvre dans toute sa splendeur
Le monde est à nous que dans nos tes-tê
Vu d’l’extérieur on est qu’des branleurs
Des sombres merdes insignifiantes
Tout l’temps dans la provoc’ et dans la défiance
Des êtres sujets à toutes sortes de déviance
Ne provoquant qu’indignation et méfiance
J’regarde un pote et j’me dis que sa dernière peine l’a un peu sonnée
Et que la réussite dans l’illégal
N’est qu’une sorte de cadeau empoisonné
Vous vous rappelez quand on était p’tits?
On s’disait qu’jamais on vendrait de te-shi, on en a bibi
Et puis on s’est dit qu’au final jamais on vendrait de CC puis on l’a bibi
Alors on s’est dit que jamais on toucherait au crack ni à l’héro’
Les quelques limites qu’on avait, on les a sirotées à l’apéro
En recomptant quelques milliers d’euros
Fuck la Dacia Sandero, on veut la Maybach Exelero
C’est bien nous les anti-héros, les prolos ultra-libéraux
On a grandi de telle manière qu’on respecte moins celui qui pèse en principe
Qu’un gros enculé qui pèse en dinero
Sombres sont les idéaux
C’est c’que je retranscris dans certaines vidéos
Et j’sens l’intrigue dans l’regard d’un frérot
Qui me demande «est-ce que après les clips ça part en gang bang»
Ou est-ce que j’y récupère quelques numéros?
D’ailleurs où en sont tes amours?
J’lui dis R.A.S, igo j’suis à la bourre
Toi j’espère que les marmots vont biens
La petite dernière c’est ton portrait craché
Ça m’fait plaisir de voir que tu savoures
Ça donne un peu de lumière à ta gueule cassée
J’ai croisé ton grand reuf au PMU
Avec d’autres anciens, des gloires déchues
Tous éjectés de leur propre rrain-te
Par des p’tits qui sont eux mêmes ont placé dessus
L’ironie du sort et ses facéties
La seule et unique règle dans la rue
C’est qu’il n’y en a aucune, ça c’est sûr
Et j’veux bien vous croire que c’est assez dur
Ça m’a fait plaisir d’tous vous revoir
Quand j’nous regarde ce que je remarque
C’est cette même envie d’être et d’avoir
Même quitte à commettre l’inavouable
C’est soit ça, soit t’as plus qu’à niquer ta mère la pute et t’rasseoir
Ça m’rappelle combien la rue est rasoir

La rue c’est rasoir à tous les angles du boulevard
La rue c’est rasoir à tous les angles du boulevard