Charles Aznavour — Autobiographie
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Текст Charles Aznavour — Autobiographie
J’ai ouvert les yeux sur un meublé triste
Rue Monsieur Le Prince au Quartier latin
Dans un milieu de chanteurs et d’artistes
Qu’avaient un passé, pas de lendemain
Des gens merveilleux un peu fantaisistes
Qui parlaient le russe et puis l’arménien
Si mon père était chanteur d’opérette
Nanti d’une voix que j’envie encore
Ma mère tenait l’emploi de soubrette
Et leur troupe ne roulait pas sur l’or
Mais ma soeur et moi étions à la fête
Blottis dans un coin derrière un décor
Tous ces comédiens chargés de famille
Mais dont le français était hésitant
Devaient accepter pour gagner leur vie
Le premier emploi qui était vacant
Conduire un taxi ou tirer l’aiguille
Ça pouvait se faire avec un accent
Après le travail les jours de semaine
Ces acteurs frustrés répétaient longtemps
Pour le seul plaisir un soir par quinzaine
De s’offrir l’oubli des soucis d’argent
Et crever de trac en entrant en scène
Devant un public formé d’émigrants
Quand les fins de mois étaient difficiles
Quand il faisait froid, que le pain manquait
On allait souvent honteux et fébrile
Au Mont-de-piété où l’on engageait
Un vieux samovar, des choses futiles
Objets du passé, auxquels on tenait
On parlait de ceux morts près du Bosphore
Buvait à la vie, buvait aux copains
Les femmes pleuraient, et jusqu’aux aurores
Les hommes chantaient quelques vieux refrains
Qui venaient de loin, du fond d’un folklore
Où vivaient la mort, l’amour et le vin
Nous avions toujours des amis à table
Le peu qu’on avait on le partageait
Mes parents disaient : « Ce serait le diable
Si demain le ciel ne nous le rendait »
Ce n’était pas là geste charitable
Ils aimaient les autres, et Dieu nous aidait
Tandis que devant poêles et casseroles
Mon père cherchait sa situation
Jour et nuit sous une lampe à pétrole
Ma mère brodait pour grande maison
Et nous, avant que d’aller à l’école
Faisions le ménage et les commissions
Ainsi j’ai grandi sans contrainte aucune
Me soûlant la nuit, travaillant le jour
Ma vie a connu diverses fortunes
J’ai frôlé la mort, j’ai trouvé l’amour
J’ai eu des enfants qui m’ont vu plus d’une
Fois me souvenir le coeur un peu lourd
J’ai ouvert les yeux sur un meublé triste
Rue Monsieur Le Prince au Quartier latin
Dans un milieu de chanteurs et d’artistes
Qu’avaient un passé, pas de lendemain
Des gens merveilleux un peu fantaisistes
Qui parlaient le russe et puis l’arménien